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Par Lui, offrons sans cesse à Dieu un sacrifice de louange, c’est-à-dire le fruit de lèvres qui confessent son nom.” (Héb 13.15)

    Il y a Louange et “louange” !

    Jean HOFFMANN

Introduction

Depuis quelque temps déjà on a adopté dans bien des milieux évangéliques un nouveau style de louange au caractère sentimental, émotionnel, voire romantique, en réaction contre le genre un peu rigide, austère et monotone pratiqué précédemment. Ce changement s’est opéré progressivement sous l’influence de certains courants qui ont plus ou moins pénétré et envahi le «monde» évangélique, s’emparant de la louange pour la réduire parfois à des ritournelles ou rengaines pauvres en substance spirituelle, soutenues par un orchestre et des danses déclenchant facilement une sorte d’euphorie enfiévrée. Voilà pourquoi il est devenu nécessaire de réfléchir tout à nouveau sur le sens profond de la louange et sur la façon appropriée de l’exprimer dans le respect du Dieu trois fois saint et en conformité avec l’enseignement et la pratique des apôtres, sans céder aux extravagances des nouvelles modes de dévotion. « Ce n’est pas la louange qui est en cause, mais ce que les hommes en font »1.

Un peu d’étymologie

Dans le sens original du terme (hébreu : hillel), louer signifie pousser un cri d’admiration. C’est essentiel-lement dans certains Psaumes : 104-106, 110-118, 134, 135, 145-150 que l’on trouve l’expression “Hallelu-Yah” (= louez l’Éternel !). Dans le Nouveau Testament le “alléluia” (forme grecque) n’apparaît que quatre fois au chapitre 19 de l’Apocalypse (v. 1,3,4 et 6) étroitement lié au jugement final de la grande prostituée et de l’entrée du Dieu tout-puissant dans son Royaume. Jean, dans sa vision, perçoit à deux reprises une voix forte qui vient du ciel comme celle d’une foule nombreuse disant : “Alléluia !…” Puis, ce sont les anciens et les quatre êtres vivants assis autour du trône qui se prosternent et adorent en disant : “Amen ! Alléluia !” Enfin l’apôtre entend de nouveau la voix d’une grande foule dire : “Alléluia ! Car le Seigneur, notre Dieu est entré dans son règne… les noces de l’Agneau sont venues…”. Il ne s’agit donc manifestement pas d’une formule magique destinée à être répétée à satiété, à tout propos et hors de propos comme cela est devenu courant dans certains milieux. Rien ne permet, en effet, d’affirmer que les premiers chrétiens en ont fait cet usage. Cette constatation ne doit évidemment pas porter atteinte à la vraie louange à laquelle nous invite toute la Bible.

Dans le Nouveau Testament ainéô est traduit par louer (Luc 2.13,20 ; Actes 2.47 ; Rom 15.9…), ainos (Mat 21.16) et epainos par louange ; eulogéo peut être rendu par dire du bien, louer, célébrer, rendre grâces ou bénir, selon le contexte (Luc 1.68…), eulogia étant l’éloge ou la louange. On rencontre aussi exhomologeomai, qui veut dire confesser, louer ou célébrer (Rom 15.9…). Dans Luc 1.46-47, Marie magnifie (megalynô = rendre grand) le Seigneur et son esprit exulte (agalliaô = éprouver une joie intense, jubiler) en Dieu son Sauveur. Mais il n’y a là aucune trace de manifestation frénétique. Des paroles sensées, judicieuses sortent de la bouche de Marie glorifiant le Tout-Puissant pour les grandes choses qu’il a faites en faveur d’elle et de son peuple (voir Luc 1.47-55).

Qui est l’objet de cette louange ?

C’est l’Éternel (“Yah”-vé). qui doit être loué, ce que David dit explicitement (Ps.22.26). Mais l’Agneau, c’est-à-dire Jésus-Christ en tant que Fils de Dieu, de la même nature que son Père, est aussi digne de recevoir la louange (Apoc 5.12). Ce n’est toutefois que par l’action du Saint-Esprit en nous que nous pouvons rendre à Dieu un culte (Phil 3.3) qui lui soit agréable, avec crainte et respect (Héb 12.28).

Qui loue Dieu ?

1. Tout l’univers

Tout l’univers, en tant que création de Dieu, loue l’Éternel: les anges, l’armée céleste, le soleil, la lune, les étoiles, les eaux, les monstres marins, le feu, la grêle, les brouillards, les vents, les arbres, les animaux, les rois, les peuples, les princes, les jeunes hommes, les jeunes filles, les vieillards, les enfants (Ps 148 ; Mat 21.16). “Que tout ce qui a du souffle (qui respire) loue l’Eternel !” (Ps 150.6)

2. De façon particulière les rachetés

“Louez l’Éternel,… qu’ainsi disent les rachetés de l’Éternel” (Ps 107.1-2), ceux qui craignent Dieu (Ps 22.24), les serviteurs de l’Éternel, ceux qui se tiennent dans la Maison de Dieu (Ps 135.1-2), dans l’assemblée des hommes droits (Ps 111.1), car “la louange sied aux hommes droits” (Ps 33.1). Les disciples, après avoir adoré le Seigneur qui venait de les quitter, étaient continuellement dans le “Temple louant et bénissant Dieu” (Luc 24.52-53). C’est ce que firent aussi les premiers chrétiens dès après la Pentecôte (Actes 2.47). Tous ceux que Dieu s’est acquis par le sang de Jésus-Christ sont destinés à servir à la louange de la gloire de Dieu (Eph 1.6,12 et 14).

Pourquoi et pour quoi faut-il louer Dieu ?

Il faut le louer, parce qu’il l’ordonne (Rom 15.11) et qu’«il est grand et très digne de louange» (Ps 145.3). Il faut le louer pour Ses hauts faits (Ps 150.2), parce qu’il est bon et que sa miséricorde dure à toujours (Ps 106.1), parce qu’il Lui a plu de Se révéler (Mat 11.25), parce que nous sommes des créatures si merveilleuses (Ps 139.14), parce qu’il nous a accordé une délivrance (Ps 116.13) ou une guérison (Actes 3.8-9). Comme les bergers à la naissance de Jésus, nous glorifions et louons Dieu pour tout ce que nous avons entendu et vu Le concernant (Luc 2.20). Nous Le louons parce qu’il nous a élus avant la fondation du monde et prédestinés dans Son amour à être ses enfants d’adoption par Jésus-Christ, en qui nous avons la rédemption par son sang (Eph 1.4-6).

Il nous faut louer Dieu pour ce qu’il est, pour ce qu’il a fait et qu’il continue de faire. Sujet inépuisable !

Peut-on aussi louer Dieu pour le mal qui se fait – ou qu’on a fait – comme le suggère Merlin R. Carothers ?2 Faut-il remercier et louer Dieu de ce qu’une femme demande le divorce (pp. 104-105), ou le remercier pour un enfant adultérin (p. 106), ou encore de ce que quelqu’un menace de se suicider (p. 100) ? Est-ce que David, l’auteur de tant de Psaumes de louange, a loué Dieu parce qu’il fut adultère, ou parce qu’il fit tuer Urie et qu’il eut un fils adultérin ? Il s’est plutôt humilié en confessant ses péchés et en demandant le pardon et la purification (Ps 51). On peut, certes, constater que Dieu change le mal en bien pour ceux qui mettent leur confiance en Lui (voir Gen 50.20). C’est dans ce sens que finalement «toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu» (Rom 8.28). Mais cela ne signifie certainement pas que nous devons remercier et louer Dieu pour le mal qui sévit dans le monde et pour nos propres infidélités. Autrement il nous faudrait même louer Dieu pour la désobéissance d’Adam !

Préparation à la louange

Les rachetés qui, à travers l’Écriture, contemplent et adorent le Seigneur seront seuls en mesure de Le louer comme Il en est digne. La vraie louange ne s’impose pas, pas plus qu’elle ne s’improvise. Elle jaillit d’un cœur rempli de joie, parce qu’il a été lavé par le sang de Jésus après être passé par une authentique repentance. C’est l’âme qui bénit l’Éternel, parce qu’elle n’oublie aucun de Ses bienfaits (Ps 103.2). C’est dans le silence du recueillement et dans la méditation de la Parole de Dieu que nous réalisons la présence du Seigneur et que nous contemplons Sa magnificence. Le Psalmiste priait: «Ouvre mes yeux pour que je contemple les merveilles de ta loi!” (Ps 119.18). Il faisait de la loi de l’Éternel ses délices (Ps 119.47,70,92) et il disait : “Que mes lèvres publient tes louanges ! Car tu m’enseignes tes statuts” (Ps 119.17). C’est ainsi que l’on éprouve le besoin de Le louer, parce que le Saint-Esprit remplit le cœur et que “la coupe déborde” (Ps 23.5). Le Psalmiste chantait : “Mon cœur bouillonne de belles paroles” (Ps 45.2). La louange découle donc spontanément de la méditation de la Parole de Dieu et de la contemplation de Celui qui en est l’auteur et qui s’y révèle.

Attention à la contrefaçon !

1. Style contemporain

À défaut d’avoir compris ce qui précède, on risque de se livrer inconsciemment à une regrettable contrefaçon, c’est-à-dire à une louange construite artificiellement. Ce danger est de nos jours d’autant plus grand que la pratique d’une louange très superficielle est venue à la mode dans bien des églises évangéliques. Des jeunes s’y sont surtout laissé prendre, parce que bien disposés, mais mal enseignés et très influençables. Même des chrétiens moins jeunes ont suivi la mode, peut-être dans la louable intention de se mettre au niveau des jeunes afin de les gagner, ou de les retenir, par de nouvelles techniques ou tactiques. On dit à ce propos : « Exprimons notre vie en Christ avec le langage d’aujourd’hui, avec les moyens que notre époque nous présente et avec toutes nos possibilités3 ! ou encore: On doit faire un effort pour apprendre ces nouveaux chants avec leurs nouveaux rythmes3. Est-ce que les premiers chrétiens ont eu le souci d’adopter modes, moyens et rythmes musicaux de leur époque pour rendre leur témoignage plus efficace et pour pouvoir mieux louer le Seigneur ?

Dans les cultes, et surtout lors de rencontres de jeunes, on a de plus en plus recours à  la musique “Style contemporain” pour animer la louange en chauffant les esprits pour qu’ils puissent s’approcher de Dieu et répondre à sa Parole, dans une belle liberté et une expression musicale correspondant à notre sensibilité de jeunes4. Est-ce que maintenant la sensibilité des jeunes doit déterminer le style d’adoration et de louange ? Après une convention où ce nouveau style fut déjà bien représenté, un des pasteurs qui y participa exprima un seul regret, en forme de souhait pour l’avenir : à quand l’orchestre formé par divers musiciens de nos groupes de jeunes pour une louange encore plus riche et permettant à chacun d’y participer ? 4 N’est-ce pas à la fois le signe d’un singulier état spirituel et un signal d’alarme quand de jeunes chrétiens ont besoin du support d’un orchestre pour pouvoir mieux louer le Seigneur ?

2. Fabricants de louange !

Comme il existe depuis quelques années déjà un groupe qui se nomme “Les fabricants de joie” (JEM = Jeunesse en Mission), il y a maintenant des fabricants de louanges qui se livrent à une importante et coûteuse préparation technique en utilisant toutes sortes d’instruments de musique, pianos, guitares, synthétiseurs et autre matériel électronique de sonorisation, ainsi que l’audiovisuel, pour essayer d’exercer les âmes à l’adoration. Il arrive même qu’on emploie cette méthode pour introduire dans les milieux évangéliques les vues et les pratiques des mouvements charismatiques-pentecôtistes (parler et louer en “langues”, chants et musique “prophétiques”, exécution de danses et de mimes “prophétiques”…5

On organise également des “marches de louange”, des “soirées de louange” “concerts de prière et de louange” des “ballets d’adoration”, des “Écoles” ou des “Séminaires de louange” 6. On fait appel à des groupes de danseuses dont on dit que leur “prestation introduit dans la présence de Dieu” ! 7 Les “concerts de louange” sont dirigés par un orchestre et l’on passe ainsi facilement d’une mise en scène à une mise en condition débouchant sur un délirant enthousiasme qu’on ne confond que trop souvent avec la vraie louange. En l’absence d’une profonde action du Saint-Esprit on a donc de plus en plus recours à des musiciens, ou à d’autres artistes, aux comédies musicales, à la chorégraphie, etc. pour essayer de revivifier les cultes, et particulièrement les moments d’une prétendue louange, plutôt que de rechercher la véritable cause de l’apathie spirituelle et son juste remède.

3. Une caricature !

N’est-on pas en train de caricaturer la vraie louange ? Nous voulons bien croire qu’il s’agit généralement d’une déviation dont la plupart de ceux qui s’y livrent ne sont pas conscients. Mais ne tente-t-on pas ainsi d’organiser, de programmer, de produire par des procédés humains ce qui devrait normalement être inspiré par le Saint-Esprit. On doit sérieusement se poser des questions quand on constate qu’il y a explosion sentimentale, verbiage dévot, mièvrerie, exaltation psychique et excitation physique, etc. le tout soutenu par des chants rythmés, des rengaines lassantes des refrains indiqués ou entonnés interminablement à qui mieux mieux, quand ce ne sont pas, dans les cas extrêmes, des cris, des hurlements, des crises de larmes et de fou rire, des convulsions hystériques d’exaltés tombant à la renverse, ou se roulant par terre. Tout cela semble souvent n’être que parodie, perte de la maîtrise de soi et “remplissage” du précieux temps disponible ainsi gaspillé au détriment de la prédication de la Parole de Dieu. Cette Parole devient alors la parente pauvre, si ce n’est pas l’élément superflu ou rabat-joie au milieu d’un brouhaha  indescriptible qu’on attribue abusivement au Saint-Esprit. Il arrive que dans de telles circonstances la prédication de la Parole de Dieu soit tout simplement supprimée.

Nous constatons que plus on se livre à de tels exercices de stimulation fébrile, moins on écoute la Parole de Dieu et moins on prie, parce que tout devient chant, musique, danse et théâtre. Cet esprit de foire, nullement propice au recueillement, bloque ceux qui aimeraient sérieusement louer le Seigneur. Beaucoup se complaisent malheureusement dans cette ambiance de festival, tandis que certains aspirent à l’extase, les bras étendus et les têtes levées, tombant finalement dans un état de prostration. Ils réalisent ainsi une expérience mystique extraordinaire qui n’a toutefois plus rien à voir avec la spiritualité biblique.

Le Pentecôtisme, né  au début du XXe siècle, et le plus récent charismatisme, ont favorisé ce genre de manifestations exaltantes et extatiques par un enseignement spécieux sur un prétendu “baptême du Saint-Esprit” (“seconde expérience” ou “seconde bénédiction”), sans lequel il ne serait pas possible de vraiment louer Dieu comme il convient.

De l’œcuménisme

Il faut ajouter ici que ces groupes, séminaires ou écoles de musique et de louange favorisent l’œcuménisme en recrutant des jeunes de toutes les églises ou assemblées et en offrant à tous ces milieux leurs productions. Il en est ainsi, par exemple, des “Écoles de musique chrétienne PSALMODIA” (Lausanne, Neuchâtel, Strasbourg) qui doivent leur existence au “renouveau charismatique”. Or, cette initiative est née dans le cadre des Églises de la Réforme, et elle se veut œcuménique et ouverte à tous. “Psalmodia” a pour vocation de susciter la naissance d’équipes de louange allant rayonner dans les églises et les assemblées de diverses dénominations chrétiennes. Psalmodia se propose d’être à la disposition des pasteurs et des prêtres 8. Et puis, dit-on, l’expérience montre que les prestations d’une équipe musicale appréciée conduisent à remplir une église 8. Qui ne voudrait pas remplir son église par un moyen aussi simple, lorsque tous les autres expédients ont échoué ?

Référence à l’Ancien Testament !

Il y eut en Israël des chanteurs et des chanteuses (Esdras 2.65), dont certains étaient même rétribués (Néh 11.23) et exempts d’autres fonctions (1Chr 9.33). Un jour, le chant de louange fut aussi utilisé dans le combat. Alors que Juda se trouvait être menacé par les Moabites, les Ammonites et les Édomites en surnombre, l’Éternel plaça une embuscade contre ces derniers au moment où les chantres commencèrent à chanter et à louer l’Éternel. Et les ennemis furent battus (2Chr 20.22). David disait : “Je m’écrie : «Loué soit l’Éternel» et je suis délivré de mes ennemis” (PS 18.4). Il apparaît par ailleurs que les Lévites disposaient d’instruments de musique pour le chant des louanges de l’Éternel (2Chr 7.6 ; 5.12-13).

Musique instrumentale et danses

On se réfère donc volontiers à l’A.T. , et particulièrement au Psaume 150 (et autres, par ex. Ps 33.1-3 ), pour justifier l’utilisation d’instruments à vent (saxophone…), à percussion (batteries) et à cordes (guitares…). On louait alors l’Éternel au son de la trompette, et du luth à dix cordes, avec la harpe, le tambourin et les cymbales, mais il reste à démontrer que cela devait se perpétuer sous la Nouvelle Alliance. On fait aussi allusion à la danse qu’effectua David – du reste tout seul – devant l’arche de l’Alliance (2Sam 6.14, voir également les Psaumes 87.7 ; 149.3) pour préconiser la danse dans les églises. On déclare que ce qui fut en ce temps-là agréable à Dieu, doit encore l’être aujourd’hui. Mais ce raisonnement nous parait quand même assez spécieux à défaut d’indications néo-testamentaires soutenant cette thèse. En argumentant de la sorte on pourrait tout aussi bien légitimer la réintroduction d’autres pratiques cultuelles juives, dont on ne trouve pas de traces dans les églises primitives, parce qu’il s’agissait d’ordonnances ou de prescriptions charnelles (d’ordre matériel), imposées seulement jusqu’à une époque de réformation (Héb 9.10), c’est-à-dire jusqu’à la venue de Christ. Il en est ainsi, par exemple, des vêtements et ornements sacrés imposés sous l’Ancienne Alliance. Au Psaume 29. 2, il est dit : “Adorez l’Éternel avec des ornements sacrés”. Seuls les milieux formalistes ou traditionalistes catholique, orthodoxe, anglican et protestant se sont inspirés du cérémonial juif dans leurs exercices, usages et coutumes cultuels (vêtements et ustensiles sacerdotaux, tiare, ornements, encens, antiphonie et répons, gestes liturgiques, pèlerinages, etc.).

Que nous montre le Nouveau Testament ?

Les différentes sortes d’holocaustes, d’offrandes, de sacrifices mosaïques (de culpabilité, d’expiation, de reconnaissance et d’actions de grâces) qui consistaient en l’offrande d’animaux, de gâteaux, de galettes (Lév 1 à 8), ont été abolis et remplacés par Christ, victime expiatoire pour nos péchés (1Jean 2.2), et par l’offrande de nos vies sanctifiées par Lui et mises à Son service (Rom 12.1-2), avec comme corollaire la louange tirée de la bouche des rachetés. Osée déjà avait annoncé ce changement en disant : “Nous t’offrirons, au lieu des taureaux, l’hommage de nos lèvres” (Osée 14.2).

Une seule fois, il est question dans le Nouveau Testament de musique (symphônia) et de danses (choros=chœur et rondes) dans l’histoire du fils prodigue (Luc 15.25). Ce texte ne saurait évidemment pas servir de référence pour soutenir la pratique de la musique instrumentale et de la danse dans le culte chrétien. Une seule fois sont nommés des musiciens (mousicos) – joueurs de harpes, de flûtes et de trompettes – dont on n’entendra plus les sons quand Babylone (la grande prostituée) sera détruite (Apoc 18.22). Si par ailleurs il est dit que les vingt-quatre anciens se prosternent devant l’Agneau, tenant chacun une harpe et des coupes d’or remplies de parfums (Apoc 5.8), si Jean entend du ciel une voix comme celle des joueurs de harpes (Apoc 14.2) et si les vainqueurs de la bête portent aussi des harpes (Apoc 15.2), il ne faut pas oublier qu’il s’agit dans tous ces cas de descriptions de scènes célestes vues par Jean, et que nous ne sommes pas encore parvenus à ce stade, pas plus que nous ne sommes devenus “comme les anges” (ni homme, ni femme), selon Mat 22.30. Les instruments dont il est fait mention dans ces visions nous semblent exprimer des réalités spirituelles glorieuses par le moyen d’images terrestres. Il en est comme des coupes d’or remplies de parfums symbolisant les prières des saints. On trouve encore un autre verbe, “danser” (orcheomai) dans deux récits de l’Évangile :

    a) dans Mat 14.6, où il est fait mention de la danse de la fille d’Hérodias qui fut à l’origine de la décapitation de Jean-Baptiste ;
    b) dans Mat 11.17, où Jésus compare sa génération à des enfants qui s’adressant à d’autres enfants leur disent : “Nous avons joué de la flûte et vous n’avez pas dansé”.

On pourrait aussi citer 1Cor 14.7, où l’apôtre parle d’instruments (flûte, harpe et trompette) qui, donnant un son confus, ne sont d’aucune utilité. Il disait cela par rapport au parler en langues. Tous ces textes ne sauraient donc pas objectivement servir d’arguments en faveur de l’utilisation d’orchestres, de fanfares et de danses pour animer la louange actuelle dans le culte chrétien. Il n’y a ni animation musicale, ni ministère musical de louange dans le Nouveau Testament. Dans les églises des premiers siècles les instruments de musique étaient également bannis, parce qu’ils étaient utilisés au cirque, au théâtre et dans les temples des faux dieux.9

Et aujourd’hui ?

1. Bannir toute musique ?

N’oublions pas que la musique touche essentiellement la partie psychique de l’être humain en provoquant des réactions émotionnelles, plutôt incontrôlables, tandis que la parole s’adresse à la conscience, au cœur et à la pensée, en suscitant des réflexions qui déterminent la volonté d’agir. Faut-il pour autant bannir toute musique de la sphère chrétienne ? Certainement pas ! Ne dit-on pas que la musique adoucit les mœurs ? La musique exerce un certain charme auquel le chrétien n’est pas insensible, aussi n’y a-t-il pas lieu de culpabiliser le chrétien mélomane qui aime la belle musique instrumentale, qui l’écoute et qui la pratique, sans que ce soit précisément au moment de l’adoration et de la louange au culte. Lorsque la musique envahit l’église et y prend une place prépondérante, lorsqu’on doit engager des professionnels, des artistes, des orchestres, des virtuoses pour chatouiller l’ouïe des chrétiens afin d’essayer de les disposer à la louange, ou de les y entraîner, on fait certainement fausse route.

2. La source de la vrai louange

La louange ne se fabrique pas. Louer, c’est d’abord un état d’esprit, une attitude de l’être en communion avec son Dieu. La louange procède de la profondeur de la vie spirituelle. On ne peut louer que celui qu’on connaît et que l’on aime. La contemplation et l’adoration du Dieu d’amour, dans ses perfections révélées dans les Écritures, engendrent la vraie louange qui devient alors un point culminant du culte chrétien. La louange est donc la manifestation de cette vie intérieure purifiée et sanctifiée par Christ et son Esprit. Jésus a fait comprendre à la Samaritaine qu’il fallait adorer Dieu “en esprit et en vérité” (Jean 4.24). C’est à partir d’une telle adoration que se développe la louange authentique.

3. Chanter et psalmodier

Cette louange peut s’exprimer dans le culte en paroles dites ou chantées, comme il ressort des textes du Nouveau Testament. Les premiers chrétiens devaient converser (laleô) entre eux, chanter (adô) et psalmodier (psallô) dans leur cœur des hymnes, des psaumes et des cantiques spirituels (Eph 5.19). Comme psallô peut aussi être traduit par jouer en touchant des cordes, certains ont pensé que l’apôtre avait ici en vue l’accompagnement des chants par un instrument à cordes. Ce serait en somme le seul passage et le seul terme qui, dans le N.T., laisseraient entendre que les premiers chrétiens ont utilisé de la musique instrumentale. Mais le contexte semble plutôt montrer qu’il s’agissait de louer le Seigneur en touchant les cordes du cœur, car il est dit littéralement : chantant et psalmodiant dans votre cœur, (de même dans Col 3.16). Mais puisque c’est de l’abondance du cœur que la bouche parle (Mat 12.34), cette louange peut évidemment aussi s’exprimer vocalement, c’est-à-dire à haute voix et par le chant. Jésus a chanté des cantiques avec ses disciples peu avant son arrestation (Mat 26.30). Paul et Silas en prison (Actes 16.25) chantaient les louanges de Dieu (hymneô = chanter un hymne ou un psaume, chanter la louange), parce que leurs cœurs en étaient remplis. Avec David, cité par l’auteur de l’épître aux Hébreux, nous pouvons dire : “Je te célébrerai (hymneô) au milieu de l’assemblée» (Ps 22.23 ; Héb 2.12), sans nous adonner à une sorte de turbulence exacerbante soutenue par ces sempiternels airs rythmés qui, de nos jours, prennent tant de place dans beaucoup de cultes au détriment de la Parole prêchée10 ? Signalons en passant que Jean Calvin, John Wesley et C.H.Spurgeon ont été contre l’utilisation d’instruments à musique au culte.11 Mais là où rien n’est formellement prescrit ou interdit, règne une certaine liberté, ou spontanéité, limitée par la bienséance, l’ordre, la sobriété et le discernement spirituel des enfants de Dieu respectueux des Écritures.

4. Soyons réalistes

Sans vouloir tomber dans les routines que nous dénonçons par ailleurs, il nous faut reconnaître que, dans la pratique collective de la louange, on ne peut généralement pas se passer de certaines dispositions facilitant la tenue d’un temps de louange. Ce temps pourrait être précédé d’une prédication appropriée destinée à préparer l’auditoire à la louange. Si la prédication était placée à la fin du culte, on pourrait introduire le moment de louange par une courte méditation gravitant autour d’un thème choisi en fonction du but visé (par exemple : la sainteté de Dieu, son amour, sa toute-puissance, ou d’autres attributs divins, ses œuvres, le sacrifice de Jésus-Christ, etc.). En alternant ensuite des textes des Écritures avec des chants spontanés ou indiqués, de courtes exhortations, des actions de grâces, on devrait pouvoir développer un terrain propice à l’éclosion de l’adoration et de la louange sans que rien ne soit forcé ou provoqué par le recours à des artifices. Si malgré tout cela l’on n’y parvenait pas, il serait préférable d’y renoncer, plutôt que d’insister, car il se pourrait alors que les conditions spirituelles requises ne soient pas remplies, c’est-à-dire que les cœurs et les esprits ne soient pas vraiment disposés à la louange, parce que trop préoccupés par autre chose, mal préparés à la maison, et par conséquent plus ou moins distraits ou absents.

Il se pourrait aussi qu’un interdit (Josué 7.10-13) pèse sur une assemblée qui n’a pas réglé certains problèmes selon les instructions bibliques, qui tolère le mal, qui accepte des pécheurs ou de faux docteurs invétérés et impénitents (1Cor 5.13 ; 2 Jean 10.11). Nos péchés nous cachent la face de Dieu et l’empêchent de nous écouter (Es 59.2). Les mauvaises relations entre chrétiens font obstacle à leurs prières (1 Pierre 3.7) et à plus forte raison à leurs louanges. Tout cela ne saurait donc qu’entraver ou qu’étouffer notre louange en la rendant vaine.

La médiocrité  de la louange et les vaines redites peuvent aussi, hélas ! provenir d’un manque de communion avec Dieu et d’un manque de familiarité avec la Parole de Dieu. Veillons donc bien à réaliser des conditions préalables favorables par un enseignement biblique profond et équilibré, et par une vie en règle avec Dieu et avec notre prochain.

Conclusion

La louange est donc fonction de notre relation personnelle et communau-taire avec Dieu. Elle en est le fruit. Plus notre vie spirituelle sera profonde, mieux nous louerons le Seigneur, non seulement par nos prières et nos chants au culte, mais par toute notre façon d’être et d’agir à la gloire de Dieu. C’est dans cette optique que l’apôtre Paul écrivait aux Philippiens : “Que votre amour gagne en vraie connaissance et en clairvoyance pour le discernement de ce qui est essentiel, afin que vous soyez sans mélange et irréprochables au jour du Christ, remplis du fruit de la justice par Jésus-Christ à la gloire et à la louange de Dieu” (Phil 1.9-11). La louange ne sera plus alors simplement une action liturgique bien programmée, soutenue et dirigée par un orchestre, ou entraînée par un groupe de jeunes chantant, dansant, récitant et jouant pour animer une assemblée de croyants. Elle sera plutôt une attitude permanente du racheté qui fera de toute sa vie une louange à la gloire de Dieu (Eph 1.12). Ainsi nous offrirons sans cesse à Dieu un sacrifice de louange (Héb 13.15). Cela s’exprimera d’autant plus aisément au culte que ce sera le fruit de lèvres témoignant d’une réalité vécue quotidiennement dans la communion du Seigneur.

“Je le louerai de plus en plus.” Ps 71.14

“Je bénirai l’Éternel en tout temps.” Ps 34.2

“Éternel mon Dieu, je te louerai toujours” Ps 30.13

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